Vous avez probablement déjà signé un contrat de location avec votre propriétaire, un compromis de vente pour l’achat d’un bien immobilier ou encore une reconnaissance de dette entre amis. Tous ces documents ont un point commun : ce sont des actes sous seing privé. Peu coûteux, accessibles à tous — même sans l’aide d’un notaire ou avocat — ces actes peuvent pourtant avoir une force juridique redoutable… à condition, bien sûr, de respecter certaines règles.

Mais qu’est-ce qu’un acte sous seing privé ? Est-il aussi valable qu’un acte notarié ? Et surtout, comment en rédiger un correctement ? Voici un tour d’horizon complet et accessible de cette forme de contrat juridiquement engageante… souvent utilisée, mais pas toujours bien comprise.

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé ? Définition juridique

L’acte sous seing privé, ou SSP pour les intimes du droit, est un contrat ou un écrit établi librement entre deux ou plusieurs parties, sans l’intervention d’un officier public (notaire, huissier, etc.). En d’autres termes, ce sont des parties à un accord qui rédigent elles-mêmes leur propre contrat, qu’elles signent ensuite. Simple, souple, mais juridiquement encadré.

L’article 1372 du Code civil dispose : « L’acte sous signature privée fait foi entre ceux qui l’ont souscrit. » Ainsi, une fois signé, le document engage les parties de la même façon qu’un contrat notarié, pourvu qu’il respecte certaines conditions de validité.

Attention toutefois : l’acte sous seing privé n’a pas la même force probante ou force exécutoire qu’un acte authentique. Il peut être contesté plus facilement en justice, et un jugement peut être nécessaire pour le faire exécuter (par exemple en cas d’impayé).

Quand utiliser un acte sous seing privé ?

Si vous pensez que seuls les juristes expérimentés se penchent sur les actes sous seing privé, détrompez-vous. Ce type de document est omniprésent dans la pratique quotidienne. En voici quelques exemples très concrets :

  • Un contrat de travail entre un employeur et un salarié
  • Une reconnaissance de dette entre amis ou membres de la famille
  • Un bail d’habitation signé directement entre un propriétaire et un locataire
  • Un contrat de prestation de services entre une entreprise et un prestataire indépendant
  • Un accord de cession de parts sociales entre associés d’une SARL
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En résumé, toute convention n’exigeant pas expressément un acte authentique peut être rédigée sous seing privé. Ce qui offre, vous en conviendrez, une grande liberté contractuelle.

Les conditions de validité d’un acte sous seing privé

Qui dit liberté ne dit pas anarchie ! Pour qu’un acte sous seing privé soit valable en droit français, certaines règles doivent impérativement être respectées. Au risque, sinon, de n’avoir qu’un vulgaire bout de papier sans aucune valeur juridique.

Voici les conditions essentielles :

  • Le consentement des parties : L’accord ne peut être vicié par l’erreur, le dol ou la violence. Cela paraît évident, mais en cas de litige, cela peut faire toute la différence.
  • La capacité juridique : Les signataires doivent avoir la capacité de contracter. Un mineur non émancipé ou un majeur sous tutelle, par exemple, ne peut signer un tel acte sans représentation.
  • Un objet licite et une cause légale : Impossible de conclure un contrat sous seing privé pour une activité illégale ou immorale (non, l’achat d’une cargaison de cigares cubains contournant l’embargo n’est pas couvert).
  • La signature des parties : C’est la preuve irréfutable de l’engagement. Chaque signataire doit apposer sa signature en bas du document, voire sur chaque page pour éviter les contestations.

Et si l’acte prévoit une obligation de paiement pour l’une des parties ? Il faudra faire plus…

La mention manuscrite obligatoire pour les engagements unilatéraux

Dès qu’un acte contient une reconnaissance de dette ou tout autre engagement unilatéral de payer une somme d’argent, le Code civil impose une formalité supplémentaire : une mention manuscrite spécifique. Autrement dit, il ne suffit pas de signer, il faut aussi écrire à la main ce que l’on s’engage à payer.

Cette exigence vise à s’assurer que la personne comprend l’étendue de son engagement. L’article 1376 du Code civil précise que l’acte doit indiquer, de la main de celui qui s’oblige, « la somme en toutes lettres et en chiffres ». Pour un montant de 1 000 €, vous devrez donc écrire : « Je reconnais devoir la somme de MILLE EUROS (1 000 €) à… »

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Et si le chiffre et les lettres ne correspondent pas ? C’est la somme écrite en lettres qui l’emporte. Une subtilité qui a fait vaciller plus d’un dossier de contentieux.

Quelle valeur juridique devant un juge ?

L’acte sous seing privé, bien que souvent négligé dans sa rédaction, peut avoir une vraie puissance probatoire devant les tribunaux. Il fait foi jusqu’à preuve contraire. Cela signifie que celui qui conteste son contenu doit apporter une preuve contraire — ce qui peut s’avérer complexe.

Cependant, l’acte sous seing privé n’a pas de force exécutoire. En cas de non-respect du contrat, il faudra passer par un juge pour obtenir un titre exécutoire, contrairement à l’acte authentique (rédigé par un notaire), qui peut être exécuté directement.

Autrement dit, signer un acte sous seing privé, c’est avoir une bonne carte dans son jeu… mais pas encore l’atout maître.

Durée de conservation et preuve

Il est conseillé de conserver un exemplaire original de l’acte, signé par toutes les parties, pendant toute la durée de l’engagement et au-delà. En matière de prescription, cela dépend du type de contrat :

  • Contrat commercial : 5 ans
  • Reconnaissance de dette : 5 ans
  • Contrat de bail : 3 ans après la fin de la location

Dans l’idéal, chacun des signataires doit garder un exemplaire. Et pour les plus prudents d’entre vous : un dépôt chez un huissier ou un notaire est toujours possible, histoire de dormir sur vos deux oreilles.

Modèle d’acte sous seing privé

Voici un exemple simple d’un acte sous seing privé de reconnaissance de dette :

Entre les soussignés :

Monsieur Jean DUPONT, né le 15 mars 1980 à Lyon, demeurant 12 rue des Lilas, 69003 Lyon,

Et

Monsieur Paul MARTIN, né le 22 juin 1975 à Lyon, demeurant 8 avenue des Cèdres, 69006 Lyon,

Il a été convenu ce qui suit :

Article 1 – Reconnaissance de dette
Je soussigné, Jean DUPONT, reconnais devoir à Monsieur Paul MARTIN la somme de MILLE EUROS (1 000 €).

Article 2 – Modalités de remboursement
Je m’engage à rembourser la totalité de cette somme au plus tard le 1er décembre 2024, en une seule échéance, par virement bancaire.

Pour faire valoir ce que de droit,

Fait à Lyon, le 15 avril 2024

(Signature de Jean DUPONT précédée de la mention manuscrite : « Bon pour reconnaissance de dette de mille euros (1 000 €) »)

(Signature de Paul MARTIN)

Ce modèle est évidemment à adapter selon le type d’acte et les spécificités de chaque situation. L’essentiel restant la clarté, la précision des clauses… et la légalité, naturellement.

Acte électronique : le SSP à l’ère numérique

Et dans le monde moderne me direz-vous ? Peut-on conclure un acte sous seing privé par voie numérique ? Oui, tout à fait ! L’article 1367 du Code civil reconnaît la valeur légale de la signature électronique, à condition qu’elle soit « fiable » — autrement dit, via un système sécurisé, traçable et vérifiable.

Des solutions comme DocuSign ou Yousign permettent aujourd’hui de conclure des actes sous forme dématérialisée… avec la même valeur juridique qu’un contrat signé au stylo-plume. À condition, bien sûr, de respecter les autres règles évoquées précédemment.

Pourquoi rester vigilant malgré la simplicité apparente ?

Parce qu’un contrat mal rédigé peut coûter bien plus cher qu’un contrat relu par un professionnel. Une formulation ambigüe, un oubli de précision, une clause déséquilibrée… Et c’est la porte ouverte aux mauvaises surprises.

Petit rappel d’expérience personnelle : j’ai vu un jour un acte de prêt entre amis, non daté, sans modalités de remboursement ni signature du bénéficiaire. Devinez qui a perdu son argent ? (Indice : pas celui qui l’a reçu…)

Même pour un simple acte entre proches, mieux vaut parfois consacrer une heure à sa rédaction qu’un an à un procès. L’acte sous seing privé est une preuve puissante, mais seulement s’il est rédigé avec rigueur.

Et si vraiment vous doutez, faites-le relire par un professionnel du droit. Après tout, signer un contrat, ce n’est pas simplement coucher quelques volontés sur papier… c’est s’engager, juridiquement et moralement.

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