La loi Hamon et l’assurance emprunteur : un droit à la résiliation encore méconnu

Si vous avez contracté un prêt immobilier durant ces dernières années, vous avez probablement entendu parler de l’assurance emprunteur. Ce contrat, que la banque vous glisse quasi systématiquement entre les mains au moment de la signature de votre prêt, agit comme un filet de sécurité. Il couvre les risques en cas de décès, d’incapacité ou d’invalidité. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est qu’il n’est pas figé dans le marbre. Grâce à la loi Hamon, vous avez le droit – oui, un vrai droit – de résilier votre assurance pour en choisir une plus avantageuse. Et pourtant, ce droit reste encore aujourd’hui trop peu exercé.

Alors, que stipule exactement cette fameuse loi Hamon ? Qui peut en bénéficier ? À quelles conditions ? Et surtout, pourquoi les établissements prêteurs ne sont-ils pas toujours ravis que vous la connaissiez ? Prenons le temps d’éclaircir tout cela ensemble, avec rigueur mais sans détour, et quelques parenthèses bienvenues sur la réalité du terrain.

Petit rappel : qu’est-ce que l’assurance emprunteur ?

L’assurance emprunteur est un contrat adossé à un crédit immobilier. Son rôle est de protéger la banque – et accessoirement vous aussi – en cas d’incapacité de remboursement liée à un événement de la vie : décès, invalidité, perte d’emploi, etc. Le contrat est généralement proposé (ou imposé, selon l’amabilité de votre conseiller) par la banque elle-même au moment de l’octroi du prêt.

Mais voilà, pendant longtemps, ce monopole bancaire nuisait à la concurrence et, par là même, aux intérêts financiers des emprunteurs. Les tarifs variaient sensiblement d’un assureur à l’autre, mais peu avaient connaissance des alternatives… ou le courage d’aller contredire leur banque.

L’essence de la loi Hamon : instiller la concurrence dans un monde captif

La loi Hamon, du nom de Benoît Hamon, alors ministre délégué à la Consommation, a été promulguée le 17 mars 2014. Son objectif ? Renforcer les droits des consommateurs en leur donnant davantage de liberté, notamment en matière d’assurance. Pour ce qui nous concerne ici, son coup de maître a été de permettre la résiliation du contrat d’assurance emprunteur dans les 12 mois suivant la signature du prêt, sans frais ni pénalités, à condition que le nouveau contrat présente des garanties équivalentes.

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Ce que prévoit concrètement la loi Hamon

Voici les points clés à connaître :

  • Délai : vous disposez d’un délai de 12 mois à compter de la signature de l’offre de prêt pour résilier votre assurance emprunteur initiale.
  • Substitution : vous devez fournir à la banque un nouveau contrat d’assurance présentant un niveau de garantie équivalent. La banque ne peut pas refuser sur des critères autres que l’équivalence des garanties.
  • Pas de frais : la substitution doit être réalisée sans aucun frais de résiliation ou de dossier imposé par la banque.
  • Délais de traitement : la banque a 10 jours ouvrés pour répondre à votre demande de substitution à partir du moment où elle en est saisie avec toutes les pièces nécessaires.

Dit autrement, vous êtes libre de changer d’assurance dans la première année… à la seule condition que vous fassiez bien vos devoirs et présentiez un contrat solide juridiquement comparable à celui en place.

Une liberté encadrée : l’équivalence des garanties

La grande subtilité – et là où réside l’art de contourner la volonté du législateur – se cache dans la notion d’« équivalence des garanties ». Ce concept peut prêter à fausse manœuvre si l’on n’est pas rigoureux.

La banque est tout à fait en droit d’exiger que votre nouveau contrat comprenne des garanties comparables aux siennes : décès, PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie), ITT (Incapacité Temporaire de Travail), IPP (Incapacité Permanente Partielle), voire perte d’emploi.

En réalité, la loi impose simplement la prise en compte de critères objectifs issus de la grille du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), établie pour éviter les refus abusifs. Si vous remplissez ces cases, la banque n’a pas son mot à dire. Pourtant, certaines peuvent déployer une créativité remarquable pour tenter de décourager la substitution (le genre de créativité qui serait presque admirable, si elle n’était pas dirigée à votre détriment).

Pourquoi changer d’assurance ?

La raison principale est simple : l’économie. L’assurance emprunteur peut représenter jusqu’à 30 % du coût total de votre crédit immobilier. Et selon votre profil, votre âge, votre état de santé, ou votre situation professionnelle, vous pourriez économiser plusieurs milliers d’euros en optant pour un assureur alternatif.

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Prenons l’exemple concret de Julie, 35 ans, salariée, non-fumeuse. Son contrat bancaire l’assurait à hauteur de 36 € par mois. Après comparaison, elle a souscrit une assurance équivalente auprès d’un assureur tiers à 18 €/mois. Sur une durée de prêt restante de 20 ans, c’est plus de 4300 € d’économies.

Et, comme Julie, nombreux sont ceux qui pourraient repartir avec une version allégée de leur prêt si seulement ils connaissaient et exerçaient ce droit.

La résistance… passive (mais palpable) des établissements prêteurs

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que les banques n’ont pas sauté de joie à l’idée de cette loi. Car l’assurance emprunteur n’est pas un petit business d’appoint pour elles : elle constitue une source de marge confortable, parfois plus que le crédit lui-même.

Certes, la loi oblige à répondre dans les 10 jours. Mais entre les dossiers qui « arrivent incomplets », les réponses « en attente de validation du pôle conformité », ou les fameuses relances qui « ne semblent pas avoir été reçues », les obstacles peuvent parfois ressembler à un vrai parcours du combattant administratif.

Heureusement, le régulateur veille, et vous aussi, si vous avez bien lu cet article.

Bonne nouvelle : des droits renforcés après la loi Hamon

Si la loi Hamon a ouvert la voie à plus de liberté, elle n’a pas été la dernière à agir en faveur des emprunteurs.

Depuis la loi Bourquin (2018), il est désormais possible de changer d’assurance emprunteur chaque année, à la date anniversaire du contrat. Et depuis la loi Lemoine, entrée en vigueur en 2022, la force de frappe a encore été renforcée : la résiliation est devenue possible à tout moment, sans frais, pour tous les emprunts souscrits à compter du 1er juin 2022. Pour les autres, le droit s’applique depuis le 1er septembre 2022.

En clair, la loi Hamon a été le premice. Maintenant, votre liberté est quasi totale.

Comment résilier votre assurance emprunteur – étapes pratiques

Si vous êtes dans l’année suivant la signature de votre prêt et souhaitez profiter de la loi Hamon, voici les étapes :

  • Comparez les offres alternatives : utilisez des comparateurs ou passez par un courtier spécialisé.
  • Vérifiez la conformité des garanties : assurez-vous que votre nouveau contrat respecte bien les exigences de la banque quant à l’équivalence.
  • Préparez un dossier complet : lettre de résiliation, nouveau contrat d’assurance, et fiche d’équivalence des garanties remplie.
  • Envoyez votre dossier à la banque : enlettre recommandée avec accusé de réception de préférence (l’administratif a horreur du vague).
  • Surveillez le délai de réponse : passé 10 jours ouvrés sans réponse (ou avec refus non justifié), vous pouvez envisager un recours.
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Une fois acceptée, la substitution prend effet dès validation, et vous débutez votre remboursement avec une assurance plus avantageuse.

Et si votre demande est refusée ?

Si la banque refuse votre demande alors que vous avez bien respecté les exigences légales (notamment sur l’équivalence des garanties), vous disposez de plusieurs recours :

  • Exiger une justification écrite : la banque doit motiver son refus.
  • Saisir la Médiation de l’Assurance ou le Médiateur de la Consommation du secteur bancaire.
  • Informer votre assureur alternatif : certains proposent une assistance juridique en cas de refus abusif.
  • Envisager un signalement auprès de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution).

Et comme toujours, la clé réside dans l’anticipation et la vigilance. Être bien informé, c’est déjà reprendre le pouvoir sur son crédit.

Un mot à retenir : osez !

Il est fréquent d’entendre que « le crédit est signé, c’est trop tard ». C’est faux. Grâce à la loi Hamon et ses successeurs, le marché de l’assurance emprunteur n’est plus un terrain déserté par la concurrence. Il est temps que les emprunteurs se saisissent de leurs droits et osent interroger le statu quo.

Certes, cela demande un minium d’organisation. Oui, cela peut impliquer de croiser quelques regards agacés de conseillers bancaires. Mais à la clé se trouvent parfois plusieurs milliers d’euros économisés… et la satisfaction légitime d’avoir tenu tête à David avec les mêmes armes que Goliath – en toute légalité, cela va sans dire.

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