La société créée de fait est une construction juridique particulière permettant de reconnaître l’existence d’une société entre plusieurs personnes, même en absence de statuts écrits ou d’immatriculation. Cet article explore les fondements de cette notion en droit français, les conditions nécessaires à sa reconnaissance, ses implications fiscales, sociales et juridiques, et propose plusieurs exemples concrets tirés de la jurisprudence. Une approche claire et structurée pour mieux comprendre les enjeux de cette forme de société souvent ignorée mais bien réelle dans de nombreuses situations du quotidien.

Définition juridique et principes fondamentaux de la société créée de fait

Définition légale d’une société créée de fait en droit français

En droit français, la société créée de fait n’apparaît dans aucun registre officiel ni ne repose sur un acte écrit, mais elle est néanmoins reconnue juridiquement sous certaines conditions strictes. Bien que le Code civil ne contienne pas une définition explicite de cette forme sociétale, sa reconnaissance découle directement de la jurisprudence et de la volonté tacite des associés présumés. Ce que la loi identifie avant tout, c’est une logique de faits : une collaboration effective entre plusieurs personnes, menée dans l’intention de partager les bénéfices d’une activité commune tout en en assumant ensemble les pertes éventuelles.

Trois éléments cumulatifs sont nécessaires à la qualification de société créée de fait, selon une construction prétorienne désormais bien établie :

  • Un affectio societatis : c’est-à-dire une volonté réciproque et égalitaire de s’associer et de collaborer activement à la réalisation d’un projet commun.
  • La mise en commun d’apports : qu’il s’agisse d’un apport en numéraire, en nature ou en industrie, chacun des associés apporte quelque chose à la société.
  • Le partage des bénéfices et des pertes : les éventuels gains issus de l’activité sont répartis entre les membres, tout comme les pertes.

La société créée de fait prend donc forme en dehors de tout formalisme, mais elle n’échappe pas pour autant au regard du droit. C’est le juge qui, en fonction des preuves matérielles et comportementales fournies (factures, comptes communs, courriels, etc.), peut déclarer l’existence d’une telle structure. Cette reconnaissance peut avoir des conséquences importantes, notamment en matière de responsabilité fiscale ou de liquidation judiciaire. Elle est régulièrement invoquée à l’occasion d’un conflit entre anciens partenaires ou d’un redressement fiscal impliquant des travailleurs qui, sans le savoir, avaient agi comme de véritables associés.

Définition légale d'une société créée de fait en droit français

Origine, fondements et cadre juridique applicable à la société créée de fait

La notion de société créée de fait puise ses origines dans les principes généraux du droit des sociétés dégagés par la jurisprudence afin de répondre à certaines situations atypiques où plusieurs personnes agissent ensemble comme des associés, sans pour autant avoir formalisé leur projet commun. Dès le début du XXe siècle, la Cour de cassation reconnaît l’existence de telles structures grâce à une analyse concrète des faits et comportements. Loin d’être un simple artifice théorique, cette qualification juridique permet au juge d’établir l’existence d’un lien sociétaire là où les parties préféraient ou omettaient de formaliser une véritable société.

Les fondements juridiques de la société créée de fait s’appuient principalement sur les articles 1832 et suivants du Code civil, définissant la société comme un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes décident de mettre en commun des biens ou leur industrie pour partager le bénéfice ou profiter de l’économie qui pourra en résulter. Bien qu’aucune disposition spécifique ne régisse la société créée de fait, la doctrine et la jurisprudence comblent ce vide en considérant qu’elle est soumise, en grande partie, au régime applicable aux sociétés en participation (articles 1871 et suivants du Code civil), notamment en ce qui concerne la preuve de son existence et le partage des résultats ou des pertes.

Sur le plan institutionnel, la jurisprudence joue un rôle central dans l’encadrement de cette figure juridique souple mais aux effets puissants. Les juges sont régulièrement saisis pour trancher des litiges dans des contextes professionnels informels : exploitation agricole en couple non marié, artisans coopérant sans statut, commerçants ayant agi de concert… Ainsi, les décisions rendues précisent les contours de cette société « sans statuts », et imposent le respect de règles parfois contraignantes pour des partenaires qui ignoraient se retrouver « associés devant la loi ».

D’un point de vue fiscal et social, la reconnaissance d’une société créée de fait entraîne l’application immédiate du régime fiscal des sociétés de personnes. Cela implique l’imposition directe des bénéfices entre les mains des associés et, potentiellement, des redressements de cotisations sociales. Il n’est pas rare que l’administration fiscale s’en saisisse pour requalifier des activités économiques dissimulées en structures sociétaires de fait, avec à la clé des demandes de régularisation substantielles.

Origine, fondements et cadre juridique applicable à la société créée de fait

Liste des éléments constitutifs nécessaires à la reconnaissance d’une société créée de fait

Pour qu’une société créée de fait soit reconnue juridiquement, il ne suffit pas d’une simple collaboration entre individus. La jurisprudence exige la réunion d’un faisceau d’éléments précis, révélateurs d’un lien sociétaire implicite. Ces critères doivent être interprétés de manière stricte, car ils constituent la base sur laquelle le juge évaluera l’existence ou non d’une réelle structure sociétale non formalisée. Voici une liste structurée et détaillée des éléments que les juges considèrent comme essentiels :

  • Une activité exercée en commun : Les personnes concernées doivent démontrer qu’elles ont effectivement agi ensemble, régulièrement et de manière coordonnée. Cela va au-delà d’un simple travail collaboratif ponctuel : il s’agit d’une gestion commune d’une activité économique, qu’elle soit commerciale, artisanale ou autre.
  • Des apports identifiables : Même en l’absence d’écrit, chaque associé présumé doit pouvoir prouver qu’il a contribué à la société, que ce soit sous forme d’argent (numéraire), d’outils ou de biens (nature), ou encore par son travail (industrie). Ces apports doivent être mis à disposition de tous au bénéfice de l’activité commune.
  • La volonté de s’associer (affectio societatis) : La preuve d’un engagement volontaire et mutuel en faveur d’un objectif lucratif partagé est primordiale. Il ne s’agit pas simplement de travailler ensemble, mais bien d’agir en qualité d’ »associés de fait », avec égalité dans les décisions et dans les risques.
  • Le partage des résultats : Cette société supposée doit engendrer des bénéfices (ou des pertes), et ces gains ou difficultés doivent être répartis entre les membres. Il ne peut y avoir de société sans incidence financière pour les participants.
  • Une autonomie patrimoniale relative : Bien que non dotée de la personnalité morale, la société créée de fait peut parfois disposer de comptes communs, de facturations conjointes ou de contrats signés pour le compte du « groupe ». Ces éléments pèsent fortement dans la balance juridique.
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Ces critères sont cumulativement exigés : la seule présence de deux ou trois d’entre eux ne suffit pas à caractériser une société créée de fait. C’est l’ensemble du comportement, documenté par des preuves matérielles concordantes, qui permettra d’en établir l’existence aux yeux du droit. En cas de conflit, ce sera au juge d’apprécier librement ces éléments à la lumière des circonstances concrètes de l’affaire.

Fonctionnement, reconnaissance et conséquences juridiques de la société créée de fait

Comment fonctionne une société créée de fait : gestion, apport, partage des bénéfices

Une fois reconnue, la société créée de fait fonctionne comme une structure associative informelle, mais régie de manière pragmatique par les principes applicables aux sociétés classiques, en particulier la société en participation. Aucun organe de gestion formel n’étant mis en place, l’administration de la société repose généralement sur une gestion conjointe, exercée de manière tacite ou implicite par les associés présumés. Ceux-ci prennent ensemble les décisions liées à l’activité, qu’il s’agisse de négocier des contrats, de gérer des dépenses ou d’embaucher du personnel. En l’absence de statuts pour clarifier les rôles, chaque décision peut susciter des interrogations sur la responsabilité effective de chacun.

Concernant les apports, même sans acte écrit, il est nécessaire que chaque associé ait contribué à l’activité commune. Ces apports prennent typiquement trois formes :

  • Apport en numéraire : sommes investies dans le projet commun, parfois retracées via des relevés bancaires ou des avances de trésorerie.
  • Apport en nature : mise à disposition d’un local commercial, d’un véhicule ou d’équipements utiles à l’activité.
  • Apport en industrie : travail ou savoir-faire technique fourni continuellement pour le bon fonctionnement de l’entreprise informelle.

Le partage des bénéfices constitue en revanche la pierre angulaire permettant au juge de valider l’existence d’un véritable lien sociétaire. Les fruits de l’activité, s’ils sont répartis entre les présumés associés, constituent un indice fort de volonté commune de coopération économique. Ce partage peut être égalitaire ou différencié selon les apports de chacun, mais il doit être manifeste – par exemple, en analysant des virements récurrents entre partenaires ou des déclarations fiscales. En parallèle, les pertes éventuelles sont, elles aussi, assumées ensemble, un principe fondamental du droit des sociétés, même en l’absence de statut formalisé. Ainsi, la réalité quotidienne du fonctionnement d’une société créée de fait se lit dans les actes du quotidien plus que dans les formalismes, et repose sur une logique d’intérêt commun assumé sans structure juridique déclarée.

Responsabilités juridiques des associés dans une société créée de fait

Dans une société créée de fait, l’absence de personnalité morale et de structure juridique formelle ne signifie pas pour autant une absence de responsabilité. Au contraire, les associés présumés y sont soumis à un régime de responsabilité particulièrement exigeant. En l’absence de statuts pour organiser les rôles et les engagements de chacun, les tribunaux considèrent que les obligations sont partagées de manière solidaire. Cela signifie qu’en cas de dette contractée dans le cadre de l’activité commune, chaque associé peut être tenu de rembourser la totalité du passif, indépendamment de sa participation effective aux décisions ou bénéfices.

Cette responsabilité peut être engagée aussi bien envers les tiers — fournisseurs, créanciers, administration — qu’entre les associés eux-mêmes. Dans une logique de transparence, les juges évaluent souvent les actes posés concrètement : signature de contrats, gestion de comptes bancaires communs, engagement d’employés, délivrance de devis ou factures. Tous ces éléments peuvent constituer des preuves de gestion collégiale, rendant ainsi chaque individu responsable de manière indivisible. C’est notamment le cas lors d’une liquidation judiciaire implicite, où les associés de fait sont appelés à contribuer au règlement du passif comme s’ils faisaient partie d’une société commerciale déclarée.

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En outre, cette responsabilité juridique peut avoir des répercussions fiscales et sociales. Si l’administration requalifie une activité informelle en société de fait, elle peut exiger des régularisations lourdes : TVA non déclarée, cotisations sociales impayées, impôt sur les sociétés dû par transparence fiscale. Dans ce cadre, chacun des associés est considéré comme responsable du paiement de l’ensemble, et non de sa seule part. Il revient donc à celui qui conteste sa qualité d’associé de prouver qu’il n’a pas participé à la gestion, ni tiré profit de l’activité.

Enfin, sur le plan civil, les associés peuvent aussi voir leur responsabilité engagée pour faute. Par exemple, en cas de malversations dans la gestion commune ou de gestion en contradiction flagrante avec les intérêts de la structure informelle, des actions en responsabilité pour faute de gestion peuvent être intentées par les autres membres, voire par des créanciers lésés. D’où l’importance d’une rigueur constante, même dans le cadre apparemment souple d’une association sans statuts écrits.

Tableau des conséquences civiles, sociales et fiscales de la société créée de fait

La reconnaissance d’une société créée de fait emporte des conséquences juridiques multiples et parfois lourdes pour les associés involontaires. Ces effets concernent aussi bien le droit civil, le droit fiscal que le droit social. Une fois le lien sociétaire implicitement établi, aucune branche du droit ne laisse les associés de fait en dehors de ses obligations. Voici un tableau synthétique permettant d’identifier les principales conséquences selon les domaines concernés :

Champ juridique Conséquences pour les associés Précisions
Droits civils Responsabilité solidaire des dettes sociales Même sans contrat écrit, les partenaires peuvent être tenus ensemble du remboursement intégral du passif social.
Liquidation judiciaire Possibilité de mise en liquidation collective Les associés de fait peuvent se voir intégrés dans une procédure visant au règlement du passif comme dans une société déclarée.
Responsabilité entre associés Actions en partage ou pour faute de gestion Un associé pourra demander sa part ou engager une action contre un autre pour mauvaise gestion ou détournement d’actif.
Droit fiscal Régime des sociétés de personnes Les bénéfices sont imposés directement entre les mains des associés proportionnellement à leur part dans les résultats.
Requalification par l’administration Redressement fiscal et obligations déclaratives L’absence de déclaration régulière peut entraîner une taxation d’office, des pénalités, voire des majorations importantes.
Droit social Assujettissement aux cotisations sociales Le gérant de fait ou les associés sont redevables des charges sociales afférentes à leur activité professionnelle réelle.
Protection sociale Affiliation rétroactive possible Certains statuts (ex. : travailleur non salarié) peuvent être attribués de manière rétroactive, entraînant appels de cotisations.

Ce tableau révèle l’étendue des conséquences découlant de la simple reconnaissance d’une activité commune organisée comme une entreprise sans la sécurité d’un cadre légal clair. Les risques juridiques doivent être mesurés à la lumière de l’absence de structure officielle, ce qui justifie l’extrême vigilance dans les collaborations professionnelles informelles. L’enjeu n’est pas qu’économique : il engage la solidarité juridique entre des individus souvent surpris d’apprendre qu’ils formaient une société… de fait.

Exemples concrets et cas pratiques : quand parle-t-on de société créée de fait ?

Société créée de fait entre concubins, époux ou membres d’une famille

La reconnaissance d’une société créée de fait entre concubins, époux ou membres d’une même famille soulève de délicates questions d’articulation entre droit patrimonial, relations personnelles et activités économiques communes. Si l’affectio societatis est souvent confondue avec les liens affectifs, les tribunaux distinguent scrupuleusement la sphère émotionnelle de celle des affaires. Ainsi, vivre ensemble ou partager son quotidien ne suffit pas à créer une société de fait ; encore faut-il démontrer l’existence d’une activité économique poursuivie en commun avec volonté de partage des fruits et des risques.

La jurisprudence est abondante à ce sujet. Un couple non marié ayant exploité un commerce, signé des contrats, effectué des achats conjoints pour le projet ou encore alimenté un compte commun utilisé pour l’activité peut être considéré comme ayant agi en tant qu’associés de fait. De même, des frères et sœurs administrant ensemble un bien immobilier hérité, loué et géré sans convention écrite, peuvent voir leur organisation qualifiée de société improvisée. Le juge examine avec une attention particulière les flux financiers, les pratiques de gestion et la volonté manifeste de s’inscrire dans une logique entrepreneuriale.

Il convient également de noter que le mariage ou la parenté ne fournissent aucune immunité juridique. La Cour de cassation, dans plusieurs arrêts, a rappelé que les règles du droit des sociétés s’appliquent indépendamment du lien familial. Cette reconnaissance peut avoir des répercussions sérieuses lors de ruptures, de séparations ou de décès, où la société formée sans le savoir entre époux ou concubins doit être liquidée comme toute autre structure sociétaire. Le partage des bénéfices, requalifié par le juge, entraîne alors des conséquences financières imprévues, mettant en jeu la responsabilité personnelle de chacun.

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Enfin, dans les contextes agricoles ou artisanaux, la vigilance est de mise. Il n’est pas rare que des membres d’une même famille collaborent au fil des années sans formaliser leur partenariat, pensant simplement « aider ». Pourtant, cette aide récurrente, lorsqu’elle participe à la pérennité et aux résultats d’une activité, engage leur responsabilité collective. L’administration fiscale n’hésite pas à utiliser la requalification pour taxer l’ensemble des revenus issus de telles structures, au même titre qu’une société classique, et appliquer une fiscalité transparente à tous les « associés de fait ».

Liste de situations de la vie professionnelle ou commerciale entraînant une création de société de fait

Dans la pratique des affaires, la société créée de fait peut émerger sans que les intéressés n’en aient conscience. Issu d’une collaboration spontanée et non formalisée, ce type de société naît souvent d’une activité partagée entre deux ou plusieurs personnes qui, par leur comportement, réunissent tous les éléments constitutifs d’un partenariat sociétaire. Voici une liste non exhaustive de situations professionnelles courantes susceptibles de conduire à une reconnaissance de société créée de fait :

  • Deux artisans collaborant régulièrement sur des chantiers, émettant des factures communes ou partageant des frais de location de matériel.
  • Des commerçants tenant ensemble une boutique ou un stand, même sans co-signature du bail, mais partageant recettes et charges.
  • Des consultants freelance mutualisant leurs clients et leur communication (site web unique, prospection conjointe, signature de propositions commerciales au nom du groupe).
  • Des co-gérants informels d’une activité en ligne, codétenant un compte bancaire, partageant les scripts ou la logistique, sans formalisation juridique.
  • Des chauffeurs VTC s’équipant ensemble et exploitant une flotte commune, répartissant les rotations ou les recettes, tout en assurant ensemble les frais de maintenance.
  • Deux professionnels libéraux se répartissant les honoraires d’une clientèle commune, sans contrat de collaboration, mais avec mutualisation des moyens et partages réguliers des revenus.
  • Des co-exploitants agricoles conduisant une exploitation commune sans société civile d’exploitation (ex. : plusieurs membres d’une même famille cultivant les terres ou gérant les récoltes ensemble).

Chacune de ces configurations peut, sous l’œil du juge ou de l’administration fiscale, être interprétée comme révélatrice d’un affectio societatis et d’une volonté implicite de partager bénéfices et pertes. Si les critères jurisprudentiels sont réunis, la requalification en société de fait devient possible, entraînant les conséquences juridiques lourdes exposées dans les autres parties de l’article. Il est donc indispensable, pour les professionnels engagés dans une coopération informelle régulière, de mesurer les implications de leurs actes et d’anticiper la structuration juridique de toute association économique durable.

Société créée de fait et société de fait : comparaison pour éviter la confusion

Il est fréquent que la société créée de fait soit confondue avec la société de fait, tant leurs appellations se ressemblent. Pourtant, il s’agit de deux notions juridiques bien distinctes, aux conséquences légales différentes. La première naît sans volonté dissimulée, simplement de l’existence d’une collaboration circonstanciée et durable. La seconde intervient généralement à l’occasion de la disparition juridique d’une société immatriculée ou de l’invalidité de ses formalités, tout en continuant à fonctionner en apparence comme une entreprise. Cette confusion mérite une clarification, tant leurs régimes et enjeux ne se superposent pas parfaitement.

La société de fait désigne une société initialement constituée en droit, mais irrégulière ou annulée pour un défaut de formalité (statuts non rédigés dans les formes légales, non-immatriculation, objet illicite, etc.). Les personnes agissant au nom de cette structure continuent alors à exercer une activité, parfois même sans le savoir, dans un cadre juridique instable. Elle ne repose donc pas sur une pure création comportementale, mais sur une société présumée régulière devenue inexistante juridiquement. Le juge peut alors constater une société de fait postérieurement à la disparition légale d’une société de droit.

Contrairement à la société créée de fait, qui suppose une collaboration spontanée sans aucune tentative de création formelle, la société de fait est souvent révélée à l’occasion d’un contentieux : désaccord entre ex-associés, liquidation, redressement fiscal. Elle s’apparente davantage à une fiction juridique correctrice, permettant de tirer les conséquences pratiques d’une exploitation continue malgré des irrégularités constitutives. Le droit traite alors les individus comme s’ils étaient encore formellement associés, leur appliquant les règles du droit des sociétés, y compris en matière de solidarité des dettes sociales.

En résumé, la société créée de fait naît des faits, sans projet statutaire. La société de fait survit à une société mal formée ou disparue. Toutes deux impliquent des responsabilités, mais pas avec les mêmes origines ou la même chronologie. Mieux vaut donc éviter la confusion pour appréhender avec justesse les qualifications retenues par les juridictions, surtout dans les affaires où se mêlent partenariats informels et irrégularités administratives.

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