Pourquoi une convention de mise à disposition de locaux n’est pas un luxe (même entre amis)

La tentation est grande. Vous possédez un local vide et un ami entrepreneur cherche un point de chute pour lancer son activité. Quelques mots échangés autour d’un café : « Installe-toi là, on réglera ça plus tard ». Ce « plus tard » devient des mois, voire des années… et les ennuis ne tardent pas à suivre.

Car en l’absence de cadre juridique clair, la mise à disposition de locaux peut vite se transformer en contentieux. Or, rédiger une convention formelle – même simple – vous prémunit contre bien des litiges. Que vous soyez une entreprise hébergeant une filiale, un particulier mettant un bureau à disposition d’un auto-entrepreneur, ou une association accueillant un partenaire, la convention de mise à disposition de locaux constitue un outil juridique de première importance.

Bonne nouvelle : nul besoin d’un roman à la Balzac. Un modèle bien ficelé suffit, pour peu qu’il soit compris et adapté à la situation particulière. Et c’est justement ce que nous vous proposons ici.

De quoi parle-t-on exactement ?

Une convention de mise à disposition de locaux est un contrat écrit par lequel une personne physique ou morale (le « propriétaire » ou le « bailleur ») accepte de laisser gratuitement ou contre rémunération des locaux à disposition d’un tiers (le « bénéficiaire » ou « occupant »), pour une durée déterminée ou non.

À ne pas confondre avec un contrat de location ou un bail commercial ! Ce type de convention ne confère pas de droit au bail, ni de droit au renouvellement. Et c’est là tout son intérêt… et ses limites.

Utilisée dans des contextes très variés — incubation de start-up dans des espaces partagés, usage ponctuel de salles de réunion ou de stockage, accueil d’une association dans les locaux d’une collectivité — cette convention joue un rôle de souplesse tout à fait stratégique.

Pourquoi formaliser cet accord ? Les bonnes raisons de ne pas se fier à l’oral

L’absence de convention écrite peut semer le trouble à plusieurs égards :

  • Flou sur la nature juridique de l’occupation : sans contrat clair, un juge pourrait requalifier l’occupation en bail, notamment si un paiement — même symbolique — est prévu.
  • Imprécision sur la durée : en cas de conflit ou de résiliation, l’un des deux partis peut se retrouver lésé.
  • Responsabilité en cas de sinistre : qui est responsable si un dégât des eaux survient ? Un accident ? Sans convention, difficile de le démontrer.
  • Utilisation ambigüe des locaux : votre garage transformé en food-truck ? Attention à l’utilisation non conforme !

À ce titre, rappelons que certaines administrations voient d’un très mauvais œil les mises à disposition « grises » entre deux sociétés d’un même groupe : cela peut être requalifié en avantage en nature ou en acte anormal de gestion.

Une utilité reconnue en droit des affaires comme en droit des associations

Dans le monde professionnel, la convention de mise à disposition est une véritable boîte à outils :

  • Pour les groupes de sociétés : elle permet de mettre à disposition des locaux à une filiale sans passer par la lourdeur d’un bail commercial – à condition de respecter les conditions légales.
  • Pour les espaces de coworking ou les incubateurs : elle encadre légalement l’occupation temporaire des bureaux par des start-up ou des consultants.
  • Dans la sphère associative : une collectivité publique peut prêter des salles à une association pour des réunions ou des événements via une convention formelle, évitant toute suspicion de favoritisme ou de subvention occulte.
  • Et bien sûr, les particuliers peuvent aussi recourir à ce type de contrat s’ils souhaitent prêter un garage ou un atelier à un proche pour un usage professionnel ou personnel.

    Gratuit ou payant ? L’épineuse question de la contrepartie

    Une mise à disposition peut être soit gratuite, soit onéreuse. Mais attention : un simple remboursement de charges, s’il est stipulé dans le contrat, pourrait suffire à faire basculer la convention vers une qualification de bail. Il est donc essentiel de définir clairement ce qui est pris en charge financièrement (factures, entretien, charges locatives…), et de garder une trace écrite de toute compensation financière, fut-elle symbolique.

    Pour les conventions gratuites — souvent pratiquées dans un cadre associatif ou familial — cela peut paraître anodin. Mais c’est précisément dans ces cas que les litiges surgissent : dès qu’il y a un désaccord ou un accident, chacun redéfinit les termes… à sa sauce.

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    Les éléments indispensables d’une convention de mise à disposition de locaux

    Un bon contrat est comme une recette de cuisine réussie : il a besoin des bons ingrédients, à la bonne dose. Voici les principales clauses que votre convention devrait comporter :

    • Identification des parties : avec leur statut juridique (société, association, particulier…) et leur représentant légal le cas échéant.
    • Désignation précise des locaux : adresse, étage, superficie, équipements inclus (mobilier, connexions internet, etc.).
    • Objet de la mise à disposition : usage professionnel, associatif, stockage, etc.
    • Durée de la mise à disposition : durée déterminée avec date de début et de fin, ou indéterminée avec préavis de résiliation.
    • Conditions financières : gratuité ou modalités de participation aux charges.
    • Assurance et sécurité : obligation de souscrire une assurance responsabilité civile ou multirisques.
    • Responsabilités : entretien, usage conforme, dommage matériel… Il faut encadrer qui fait quoi.
    • Restitution des locaux : état des lieux de sortie, réparations éventuelles, clause de non-reconduction tacite.
    • Résiliation : modalités de résiliation anticipée, avec ou sans motif, et délais de préavis.

    Facultatif mais utile : une clause de médiation ou de règlement amiable des litiges, surtout si vous préférez éviter les joyeusetés d’un tribunal pour une affaire de faux plafond mal installé…

    Un modèle gratuit, oui, mais jamais « prêt-à-lutter »

    Il est tentant de télécharger un modèle gratuit tout fait… et de l’imprimer sans même y jeter un œil. Pourtant, chaque situation est unique. Même les meilleurs modèles, s’ils ne sont pas adaptés, peuvent devenir des pièges redoutables. Prenons un exemple concret :

    Une entreprise du bâtiment met à disposition un entrepôt à une jeune pousse spécialisée dans les matériaux biosourcés. Pas de loyer prévu, mais des charges. Six mois plus tard, des produits inflammables sont entreposés dans des quantités non conformes aux normes de sécurité, provoquant une alerte à la préfecture. Faute de clause sur l’usage conforme des lieux et la souscription d’assurance, c’est le propriétaire des lieux qui se retrouve sur le banc des accusés…

    Lire  Définition et exemples d’une société créée de fait en droit français

    Morale de l’histoire ? Même si le contrat est gratuit, la prise de risques, elle, peut coûter cher.

    Et dans la vraie vie ? Ce que les tribunaux en disent

    Les décisions de justice foisonnent sur le sujet, et elles rappellent toutes le même principe : l’intention des parties et la réalité de l’occupation priment sur les étiquettes qu’on colle à la convention.

    Dans un arrêt de la Cour de cassation (3ème civ., 14 septembre 2017), les juges ont considéré qu’une mise à disposition gratuite, prolongée et sans limitation de durée, pouvait être requalifiée en bail précaire illégal. Pourquoi ? Parce qu’un occupant resté cinq ans dans les lieux sans encadrement clair finit par y acquérir une légitimité difficile à évacuer d’un simple revers de main.

    Le droit aime la transparence. Et il déteste l’improvisation non assumée. Formalisez : c’est moins risqué… et plus élégant.

    Votre convention en pratique : le modèle à télécharger

    Chez Juriclic.fr, nous savons à quel point il est utile d’avoir une base fiable pour ne pas rédiger à partir de zéro. Nous vous proposons un modèle gratuit de convention de mise à disposition de locaux, clair, adapté à la majorité des situations standards, et facilement personnalisable.

    Ce document est rédigé par un juriste et inclut toutes les clauses évoquées dans cet article. Il est mis à disposition à titre informatif et doit être ajusté à vos contraintes spécifiques (type de bien, durée, nature des activités…).

    Télécharger le modèle de convention de mise à disposition de locaux (PDF)

    Un dernier conseil ? Si vous avez le moindre doute, faites relire le document par un professionnel du droit, notamment en cas d’activités sensibles, de biens à usage mixte, ou si vous êtes une collectivité territoriale tenue par des règles financières strictes. Rien ne remplace un œil averti.

    Finalement, établir une convention de mise à disposition, c’est comme s’équiper d’un bon cadenas sur une porte : cela ne vous empêche pas d’aider votre voisin, mais cela évite que d’étranges mésaventures ne viennent troubler votre tranquillité… ou vos finances.

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