Lorsqu’on pense aux interdictions du mariage en droit français, certaines semblent évidentes — comme celles liées à la polygamie ou au mariage forcé. Mais d’autres soulèvent davantage de questions, notamment celle du mariage entre cousins. Pourquoi, dans un État laïque et garant de la liberté matrimoniale, certaines unions consanguines restent-elles réglementées ? Et plus précisément, le mariage entre cousins est-il véritablement interdit ? Spoiler alert : la réponse va peut-être vous surprendre.

Le droit français face au mariage entre cousins : que dit exactement la loi ?

Contrairement à une idée reçue tenace, le mariage entre cousins germains n’est pas interdit en France. En réalité, l’article 161 du Code civil interdit les mariages entre parents en ligne directe (comme entre parents et enfants, ou entre frères et sœurs), mais n’interdit pas explicitement le mariage entre cousins.

En d’autres termes, rien n’empêche deux cousins germains — c’est-à-dire partageant un ou deux grands-parents communs — de se marier, dès lors que les autres conditions légales du mariage sont respectées. Aucune autorisation spécifique n’est requise, aucune procédure particulière n’est imposée.

Mais alors, pourquoi cette impression que l’union entre cousins est une zone grise, voire un tabou juridique ? C’est ici que le droit se mêle à l’histoire, à la génétique et au bon vieux sens commun.

Un passé historique et religieux qui pèse encore

Le droit ne naît pas dans un vide absolu. Nos règles actuelles trouvent souvent leur origine dans des traditions anciennes. Et dans ce cas précis, c’est du côté du droit canonique — l’ancien régime normatif de l’Église catholique — que l’on trouve une clé de lecture cruciale.

Pendant des siècles, l’Église catholique a interdit le mariage entre cousins, le considérant comme contraire à l’ordre naturel. Cette prohibition s’étendait même jusqu’au septième degré de parenté ! Il fallait donc être pratiquement étranger l’un à l’autre pour pouvoir s’unir devant Dieu.

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Ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’Église commence à assouplir sa position, souvent sous pression des familles aristocratiques désireuses de consolider leur patrimoine. Le droit civil a fini par intégrer des assouplissements également… bien que les réticences demeurent, notamment dans l’opinion publique.

La génétique à la barre : risques pour la descendance

Vous avez peut-être déjà entendu cet argument dans un repas de famille houleux : « Mais tu te rends compte, leurs enfants risquent d’avoir des problèmes ! » Sur ce point, la génétique a effectivement quelque chose à dire.

Le mariage entre cousins germains augmente légèrement le risque de maladies génétiques récessives. En clair : si deux personnes portant le même gène défectueux ont un enfant ensemble, les probabilités que ce gène s’exprime sont plus élevées.

Mais il est important de relativiser. Les études montrent que le risque que l’enfant naisse avec une maladie génétique grave passe, dans le cas d’un couple de cousins germains, d’environ 2 à 3 % (pour le reste de la population) à 4 à 6 %. On parle donc d’un doublement du risque, certes, mais sur une base relativement faible.

A noter d’ailleurs que plusieurs pays, comme le Royaume-Uni ou le Canada, autorisent ces mariages sans difficulté, bien que des campagnes d’information soient régulièrement menées dans certaines communautés où ces unions sont plus fréquentes, pour sensibiliser aux enjeux médicaux.

Quand le droit s’en mêle : exceptions et dérogations

Bien que le mariage entre cousins germains soit autorisé, d’autres formes de consanguinité nécessitent des examens juridiques plus poussés — et parfois, une dérogation du Président de la République lui-même (oui, rien que ça).

L’article 164 du Code civil prévoit en effet que le Président peut accorder des dispenses à titre exceptionnel, notamment en cas de « motifs graves ». Ce fut longtemps le cas, par exemple, pour les mariages entre oncle et nièce (également des cousins, mais en ligne collatérale inégale). Des motifs invoqués incluent des situations où le couple avait déjà eu des enfants ensemble ou vivait en concubinage depuis longtemps. Ce type de dérogation reste, aujourd’hui, extrêmement rare et toujours soumis à une rigoureuse appréciation.

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Mais pour revenir à nos cousins germains — eux n’ont pas à franchir tant d’obstacles légaux. En revanche, l’obstacle vient souvent d’ailleurs…

Mariage entre cousins : l’obstacle est souvent social, pas juridique

Dans les faits, les couples de cousins souhaitant se marier en France sont minoritaires, et pour cause : le regard social reste sévère. Le tabou culturel, hérité de l’histoire religieuse, médicale et parfois morale, a la dent dure.

Souvent, ce sont les membres de la famille eux-mêmes qui s’opposent à l’union, invoquant l’embarras, la réputation ou même la peur des risques médicaux. Autant d’éléments qui n’ont rien de juridique, mais qui pèsent lourd dans la balance des décisions familiales.

On pourrait presque dire que, dans ce cas précis, le Code civil est plus permissif que l’oncle René.

L’Europe, elle, est loin d’être unanime

Fait intéressant à noter : partout en Europe, le statut du mariage entre cousins est loin de faire l’unanimité. Tandis que la France l’autorise, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ou encore la Belgique le tolèrent également. En revanche, la Suisse, certains États américains (comme l’Ohio ou le Kentucky) ou encore la Chine l’interdisent purement et simplement.

Cette disparité illustre à quel point ces interdits puisent davantage dans la morale et la culture que dans la raison juridique pure. Autrement dit, la législation sur ce point est, au fond… très humaine.

Et en pratique : que faire si vous envisagez une telle union ?

Si vous êtes cousin ou cousine de votre partenaire et que vous envisagez le mariage, sachez que d’un point de vue juridique, rien ne vous l’interdit. Vous n’aurez ni à demander de dérogation, ni à subir d’examen médical obligatoire.

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Cependant, une consultation génétique peut être proposée de manière volontaire, notamment si des antécédents familiaux de maladies héréditaires sont connus. Elle permet au couple d’évaluer sereinement les risques potentiels pour leurs futurs enfants.

Côté mairie, aucune déclaration particulière ne sera exigée. Il reste recommandé de s’entretenir avec un officier d’état civil, comme pour tout mariage, pour vérifier les pièces nécessaires (actes de naissance, preuves d’identité, publication des bans, etc.).

En revanche, préparez-vous peut-être à répondre à quelques questions… pas de l’administration, mais de vos proches.

Le mot de la fin (sans en faire toute une généalogie…)

En définitive, le mariage entre cousins germains est bien autorisé en droit français. Contrairement à certaines idées reçues, ni le Code civil ni la jurisprudence actuelle ne s’y opposent. Ce sont les facteurs sociaux, culturels, voire émotionnels qui viennent encore, en pratique, freiner ce type d’union.

La loi s’est, ici, montrée plutôt libérale… reste à chacun d’interpréter les limites du « convenable ». Comme souvent en droit de la famille, ce n’est pas seulement la règle qui compte, mais le contexte dans lequel elle s’applique. Ou, pour le dire autrement : le Code civil permet bien des choses — encore faut-il que les cœurs et les dîners du dimanche suivent.

Et si l’on devait retenir une morale de l’histoire ? Peut-être celle-ci : le lien du sang n’empêche pas toujours le lien du cœur — ni celui du droit.

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