Pourquoi établir un contrat de mariage ?

Avant de parler clauses, régimes et notaire, posons-nous une question simple : pourquoi vouloir rédiger un contrat de mariage ? Après tout, 80 % des couples mariés en France ne prennent pas cette précaution. Ils se marient, pensent à la robe, au traiteur… mais zappent la partie où l’on protège ses biens, son patrimoine, voire sa tranquillité future.

Le contrat de mariage, ce n’est pas une preuve de pessimisme, mais plutôt un exercice de prévoyance. Il permet de choisir, avant même de dire “oui” à la mairie, comment seront gérés les biens du couple pendant le mariage, en cas de divorce, ou encore lors d’une succession. Un peu comme une ceinture de sécurité : elle ne sert pas à empêcher l’accident, mais à limiter les dégâts.

Et c’est là que le choix du régime matrimonial entre en jeu. Car en l’absence de contrat, vous êtes marié sous le régime légal : la communauté réduite aux acquêts. Autrement dit, tout ce que vous gagnez ou achetez après le mariage est automatiquement commun, sauf exceptions. Dans certains cas, ce n’est pas du tout ce qu’on souhaite…

Les différents régimes matrimoniaux : choisir en connaissance de cause

Choisir son régime matrimonial, c’est un peu comme choisir entre un prêt à taux fixe et un taux variable : chaque option a ses avantages, mais aussi des implications sur le long terme. Tour d’horizon des régimes principaux prévus par le Code civil.

La communauté réduite aux acquêts (régime légal par défaut)

Si vous vous mariez sans rien prévoir, c’est ce régime qui s’appliquera automatiquement. Il distingue :

  • Les biens propres : acquis avant le mariage ou reçus par donation/succession pendant le mariage.
  • Les biens communs : tous ceux acquis ensemble ou séparément après le mariage (salaires, acquisition immobilière…).

C’est un régime équilibré pour les couples qui débutent leur vie commune sans antécédents patrimoniaux complexes. Mais il peut poser problème si l’un des époux est entrepreneur, ou s’il existe un patrimoine significatif préalable au mariage.

La séparation de biens

Chaque époux conserve la pleine propriété de ses biens, passés et futurs. Idéal pour :

  • Les professionnels exposés à des risques financiers (chefs d’entreprise, professions libérales…)
  • Les couples ayant des enfants d’une précédente union et souhaitant éviter la confusion patrimoniale
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Rigueur oblige, ce régime nécessite parfois la tenue d’une comptabilité rigoureuse entre époux, pour prouver qui a acheté quoi. Mais il offre une protection optimale du patrimoine personnel.

La participation aux acquêts

Un peu le meilleur des deux mondes, diront certains. Pendant le mariage, c’est comme une séparation de biens. Mais en cas de dissolution du mariage (divorce, décès), les époux partagent les « acquêts », c’est-à-dire les gains réalisés durant le mariage.

Cela permet une certaine autonomie pendant l’union, tout en garantissant une égalité en cas de rupture. Toutefois, il est plus technique à mettre en œuvre et nécessite souvent une évaluation patrimoniale.

La communauté universelle

Dans ce régime, tout est mis en commun : biens présents, futurs, acquis, hérités, donnés… Un seul patrimoine, partagé à parts égales.

C’est une option courante chez les couples âgés ou sans enfants, car elle permet au conjoint survivant de récupérer la totalité des biens sans passer par la case indivision avec les héritiers. Attention cependant au risque d’endettement partagé totalement et à l’impact en cas de divorce.

Ce que contient un contrat de mariage

Un contrat de mariage ne se résume pas à une feuille où l’on coche une case. C’est un acte authentique, rédigé devant notaire, dans lequel les époux choisissent leur régime matrimonial et peuvent y insérer des clauses spécifiques selon leur situation.

Parmi les clauses les plus courantes :

  • Clause d’attribution intégrale au conjoint survivant : dans la communauté universelle, pour transmettre la totalité du patrimoine au conjoint survivant.
  • Clause de préciput : pour permettre à un époux de prendre certains biens avant tout partage (par exemple : « Madame conservera l’appartement principal sans qu’il entre dans le partage »).
  • Clause de gestion : utile pour organiser qui gère quoi, notamment si l’un des époux exerce une activité professionnelle qui engage le patrimoine commun.
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Et là encore, comme dans toute bonne négociation, mieux vaut s’entourer d’un professionnel qui saura orienter les époux vers les meilleures formules juridiques. D’autant plus que toutes les clauses ne sont pas valables indéfiniment – certaines peuvent être contestées ou remises en cause par la jurisprudence.

Quand et comment établir un contrat de mariage ?

Chronomètre en main : vous avez jusqu’à la veille du mariage pour signer un contrat de mariage. Mais le plus sage est d’anticiper, quitte à s’y prendre plusieurs mois à l’avance pour avoir le temps de consulter un notaire, réfléchir aux implications, éventuellement échanger avec sa famille (si des questions successorales sont en jeu).

Le passage chez le notaire est obligatoire. Dans les faits, cela prend généralement une heure, sauf en cas de particularités patrimoniales complexes. Le coût ? Environ 300 à 500 euros — un petit investissement au regard des conséquences que cela peut éviter.

Et si vous êtes déjà marié sous le régime « par défaut » et que les choses ont évolué (naissance d’enfants, lancement d’un business, héritage, etc.), sachez qu’il est possible de changer de régime matrimonial. Cela nécessite dans la plupart des cas l’aval du notaire et, s’il y a des enfants mineurs ou majeurs, celui d’un juge.

Un modèle de contrat de mariage à télécharger

Voici venu le clou du spectacle : le modèle téléchargeable de contrat de mariage. Il ne s’agit évidemment pas d’un document prêt-à-signer – seul un notaire peut authentifier l’acte – mais d’une trame juridique qui vous permettra de mieux comprendre la structure du contrat et les articles à personnaliser selon votre situation.

📄 Télécharger le modèle de contrat de mariage (PDF)

Ce modèle inclut :

  • Une introduction rappelant l’état civil des époux.
  • Le choix du régime (séparation de biens, participation aux acquêts…)
  • Des exemples de clauses personnalisables, avec champs à remplir.
  • Une mise en forme conforme aux exigences d’un acte notarié (sans valeur légale, mais proche du formalisme).

Vous pouvez le transmettre à votre notaire, qui l’adaptera à votre situation. Un bon point de départ pour entamer la discussion sur les enjeux patrimoniaux avec votre moitié (et accessoirement, savoir qui récupère la bibliothèque en cas d’orage conjugal…)

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Des exemples concrets pour mieux visualiser

1. Thomas et Fatou, la start-up et les précautions

Thomas est créateur d’une start-up tech, et envisage une levée de fonds. Fatou est enseignante. Ils décident d’opter pour la séparation de biens, afin de protéger Fatou de potentiels risques financiers liés à l’activité de Thomas. Ils insèrent aussi une clause de préciput sur leur résidence principale qu’ils achètent ensemble, afin qu’en cas de séparation, l’un d’eux puisse conserver le bien sans conflits ni indivision. Un contrat précis, pour un avenir tranquille.

2. Jean et Anny, 60 ans et pas une ride juridique

Jean et Anny se remarient à 62 ans. Ils ont chacun des enfants de leur premier mariage et un patrimoine conséquent. Avec l’aide de leur notaire, ils rédigent un contrat sous le régime de la séparation de biens assorti d’une clause d’attribution égale pour leurs enfants respectifs. Ils évitent ainsi les disputes posthumes et s’assurent que chacun bénéficie de leur héritage dans le respect de la répartition fixée par chacun.

Le contrat de mariage devient ici un instrument de paix… intergénérationnelle.

En bref, un “non” au flou juridique

Se marier, c’est un engagement sentimental, certes, mais aussi patrimonial. Trop souvent, les couples laissent le droit dicter les règles par défaut, sans alignement avec leurs valeurs, leur projet de vie ou leur situation financière.

Fixer son régime matrimonial, c’est choisir la meilleure stratégie pour gérer les biens pendant la vie à deux, mais aussi prévoir l’après. C’est arrêter de se dire “on verra plus tard” – phrase qui a coûté cher à plus d’un entrepreneur ou héritier mal avisé.

Avec un bon contrat de mariage, vous ne vous engagez pas moins, vous vous engagez mieux. Et si l’amour ne devait pas durer toujours, au moins, le droit, lui, aura su rester à la hauteur.

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